Chapitre 7
Je m’attendais à ce que Richard nous conduise en ville, vers un entrepôt décrépit dans un quartier malfamé. Au lieu de quoi, il s’enfonça plus avant dans Jefferson County. Nous longeâmes l’ancienne autoroute 21 entre des collines en pente douce que le clair de lune nimbait d’une lueur argentée. Nous étions début mai, et les branches étaient déjà chargées de feuilles.
La route traversait un bois. De temps en temps, nous apercevions une maison entre les arbres qui la bordaient, mais pour l’essentiel, nous étions seuls dans le noir, comme si la route s’étirait devant nous à l’infini et qu’aucun autre humain n’y avait jamais mis les pieds.
— C’est quoi, ton plan ? demandai-je.
Richard me jeta un coup d’œil, puis reporta son attention sur la route.
— Mon plan ?
— Oui, ton plan. Si Raina est là-bas, elle ne sera pas seule, et ça m’étonnerait qu’elle te laisse emmener Stephen.
— Raina est la femelle alpha, la lupa. Je ne suis pas autorisé à me battre contre elle.
— Pourquoi donc ?
— Un mâle alpha devient Ulfric, le roi des loups, en tuant le chef précédent, mais la lupa est choisie par le vainqueur.
— Donc, Raina n’a pas eu à conquérir sa place au sein de la meute ?
— Elle n’a pas eu à se battre pour devenir lupa, mais elle a dû le faire pour devenir la femelle la plus dominante.
— Tu m’as dit une fois que la meute me considère comme une dominante. Quelle est la différence entre une dominante et une femelle alpha ? Je veux dire, est-ce que je pourrais être une alpha ?
— Un alpha est plus ou moins l’équivalent d’un maître vampire.
— Et un dominant, alors ?
— Toute personne qui n’est pas un lukoi – autrement dit, qui n’appartient pas à la meute – mais qui a gagné notre respect. Jean-Claude est un dominant. Il ne peut être rien d’autre à moins d’intégrer la meute.
— Donc, tu es un alpha, mais tu n’es pas le chef.
— Nous avons environ une demi-douzaine d’alpha mâles et femelles. J’étais le second de Marcus, son Freki.
— Freki est le nom d’un des loups d’Odin. Pourquoi le second du chef de la meute porterait-il un titre tiré de la mythologie ?
— La meute est très ancienne, Anita. Entre nous, nous nous appelons lukoi. Il peut y avoir deux seconds, Freki et Geri.
— Pourquoi cette leçon d’histoire et ce nouveau vocabulaire ?
— Nous tâchons de faire simple vis-à-vis des gens extérieurs à la meute. Mais je veux que tu saches qui et ce que nous sommes.
— Lukoi est un terme grec, pas vrai ?
Il sourit.
— Exact. Mais connais-tu son origine ?
— Non.
— Le roi Lykaon d’Arcadie était un loup-garou. Il n’a jamais essayé de le cacher. Nous nous appelons lukoi pour honorer sa mémoire.
— Si tu n’es plus Freki, qu’est-ce que tu es ?
— Fenrir, le défiant.
— Le loup géant qui tue Odin à Ragnarok.
— Je suis très impressionné. Peu de gens le savent.
— À la fac, je me suis tapé deux semestres de religion comparative, grimaçai-je. Une femelle peut-elle être Ulfric ?
— Oui, mais c’est assez rare.
— Pourquoi ?
— Parce qu’elle devrait remporter un combat sans pitié. Tout le pouvoir du monde n’empêcherait pas son adversaire de la piétiner.
J’aurais aimé protester, mais je m’abstins. Richard avait raison. Et ça n’était pas seulement une question de femme ou pas femme. Les hommes aussi peuvent se faire botter le cul s’ils ne sont pas assez costauds. À entraînement égal, c’est toujours le plus balèze qui gagne.
— Pourquoi les femelles alpha n’ont-elles pas besoin de se battre pour s’installer au sommet de la hiérarchie ?
— Parce que l’Ulfric et sa lupa forment un couple. L’Ulfric n’a aucune envie de se retrouver coincé avec une femelle qu’il ne peut pas sentir.
Je le dévisageai.
— Une minute. Tu es le prochain chef potentiel de la meute. Si tu vaincs Marcus, seras-tu obligé de coucher avec ta lupa ?
— Techniquement, oui.
— Techniquement ?
— Je refuserai d’en choisir une. Je ne coucherai pas avec quelqu’un juste pour que le reste de la meute se sente en sécurité.
— Je suis ravie de l’entendre. Mais est-ce que ça risque de compromettre ta position ?
Il prit une profonde inspiration et la relâcha dans un soupir.
— J’ai beaucoup d’alliés au sein de la meute, mais certains d’entre eux sont préoccupés par mes choix moraux. Ils pensent que je devrais prendre une compagne.
— Mais tu ne veux pas, à cause de moi, devinai-je.
— Essentiellement, acquiesça-t-il. Ça ne serait pas juste un coup d’un soir, Anita. Un couple d’alpha s’apparie pour la vie. C’est comme un mariage. D’ailleurs, en règle générale, ils se marient aussi selon les lois des hommes – pas seulement selon celles de la meute.
— Je commence à comprendre pourquoi le chef a le droit de choisir sa compagne.
— J’ai choisi la mienne.
— Mais je ne suis pas un loup-garou.
— Non, mais la meute te considère comme une dominante.
— Uniquement parce que j’ai tué plusieurs de ses membres.
— Ça a tendance à impressionner les survivants.
Richard ralentit. Une ligne de pins bordait le côté gauche de la route, trop régulière et trop épaisse pour être naturelle. Il tourna dans un chemin qui la traversait.
Le chemin descendait vers un vallon, au fond duquel se dressait une ferme encerclée par des collines boisées. S’il y avait eu des champs à cet endroit autrefois, la forêt les avait envahis.
Le chemin déboucha sur un petit parking de gravier encombré de voitures. J’en comptai au moins une douzaine. Richard se gara et bondit hors de sa Mustang avant même que j’aie pu défaire ma ceinture de sécurité. Je dus courir pour le rattraper, et le rejoignis à l’instant où il ouvrait à la volée la porte de la grange. Un épais rideau pendait à l’intérieur, semblable à une barrière de tissu. Quand il l’écarta d’un geste vif, de la lumière se déversa autour de nous. Il fonça à l’intérieur, et je le suivis.
Il y avait des projecteurs partout, suspendus aux poutres tels de gros fruits hideux. Une vingtaine de personnes se tenait dans la grange. Deux caméras étaient braquées sur un plateau constitué de deux murs et d’un lit king size. Penchés dessus, les cameramen attendaient.
Une longue table chargée de sacs en papier de traiteur et de pizza froide se dressait près de l’entrée. La plupart des occupants de la grange se pressaient autour. Ils levèrent les yeux vers nous. Une poignée d’humains détournèrent hâtivement le regard et reculèrent. Mais les lycanthropes continuèrent à nous regarder sans ciller. Soudain, je sus ce que devait ressentir une gazelle cernée par une meute de lions.
Au moins deux tiers des personnes présentes étaient des métamorphes. Probablement pas toutes des loups-garous. Je ne pouvais pas deviner d’un simple coup d’œil en quel animal elles se changeaient, mais je savais qu’elles pouvaient se changer en animal. Leur énergie brûlait dans l’air comme les prémices de la foudre. Malgré mon Uzi, si la situation dérapait, je serais salement dans la merde. La colère m’envahit. Nous n’aurions jamais dû venir seuls. C’était beaucoup trop imprudent.
Une femme se détacha du groupe. Elle portait à l’épaule ce qui ressemblait à un kit de maquillage professionnel. Ses cheveux noirs coupés à ras mettaient en valeur son visage nu et ravissant.
Elle s’approcha d’un pas hésitant, comme si elle craignait de se faire mordre. L’air vibrait autour d’elle en une ondulation presque imperceptible, comme si la réalité était un peu moins solide qu’elle ne l’aurait dû à son abord. Une lycanthrope. J’ignorais de quelle espèce, mais ça n’avait pas vraiment d’importance. Toutes étaient dangereuses.
— Richard, le salua-t-elle. (Elle s’écarta de la foule qui continuait à nous mater, ses petites mains courant nerveusement le long de la bandoulière de son sac.) Qu’est-ce que tu fais ici ?
— Tu le sais pertinemment, Heidi, répliqua-t-il. Où est Stephen ?
— Ils ne vont pas lui faire de mal. Son frère est là. Son propre frère ne permettrait pas qu’il lui arrive quoi que ce soit, n’est-ce pas ?
— On dirait que c’est vous que vous essayez de convaincre, fis-je remarquer.
Elle tourna son regard vers moi.
— Vous devez être Anita Blake. (Par-dessus son épaule, elle jeta un coup d’œil aux gens qui nous observaient.) S’il te plaît, Richard, va-t’en.
L’aura d’énergie qui l’enveloppait vibrait de plus en plus fort. Elle me picotait la peau comme une armée de fourmis.
Richard tendit la main vers Heidi. Celle-ci frémit, mais ne recula pas. Il passa sa main devant son visage, sans vraiment toucher sa peau. Alors, les ondulations de l’air s’apaisèrent comme des remous dans l’eau.
— Tout va bien, Heidi. Je sais dans quelle situation Marcus t’a placée. Tu voudrais intégrer une autre meute, mais tu as besoin de sa permission. De ce fait, tu es obligée de faire tout ce qu’il te demande ; sans quoi, tu seras prisonnière à jamais. Quoi qu’il arrive, je ne t’en tiendrai pas grief.
L’anxiété d’Heidi se dissipa. Son énergie surnaturelle s’apaisa jusqu’à devenir imperceptible. Elle aurait presque pu passer pour une simple humaine.
— Très impressionnant.
Un homme s’avança. Il mesurait au moins un mètre quatre-vingt-dix, voire un mètre quatre-vingt-douze. Son crâne était aussi chauve qu’un œuf ; seuls ses sourcils formaient deux barres noires au-dessus de ses yeux clairs. Son tee-shirt noir était tendu sur les muscles de ses bras et de sa poitrine, telle la peau d’un insecte sur le point de se fendre pour révéler le monstre en dessous. Des vagues d’énergie émanaient de lui comme une canicule estivale. Il se mouvait avec l’assurance d’une brute épaisse, et le pouvoir qui rampait sur ma peau me disait qu’il en avait les moyens.
— Un nouveau, constatai-je.
— C’est Sebastian, révéla Richard. Il nous a rejoints après la mort d’Alfred.
— C’est le nouvel exécuteur de Marcus, chuchota Heidi.
Elle recula, à mi-distance entre les deux hommes, le dos tourné au rideau que nous avions franchi pour entrer.
— Je te défie, Richard. Je veux devenir Freki.
Une simple phrase, et le piège se déclenchait.
— Nous sommes tous les deux alpha, Sebastian. Nous n’avons pas besoin de faire quoi que ce soit pour le prouver.
— Je veux devenir Freki, et pour ça, je dois te battre.
— Je suis Fenrir désormais. Tu peux être le Freki de Marcus sans te battre avec moi.
— Marcus dit le contraire.
Richard fit un pas en avant.
— Ne te bats pas contre lui, aboyai-je.
— Je n’ai pas le choix. Je suis obligé de relever le défi.
Je regardai fixement Sebastian. Richard n’est pas petit, mais à côté de lui, il en avait l’air. Il ne se déroberait pas pour sauver sa propre peau. Mais pour sauver celle de quelqu’un d’autre, peut-être.
— Si tu te fais tuer, qu’est-ce que je vais devenir ?
Il tourna la tête vers moi et me dévisagea longuement. Puis il reporta son attention sur Sebastian.
— J’exige la garantie que vous ne toucherez pas à Anita.
Sebastian grimaça et secoua la tête.
— C’est une dominante. Pas de sauf-conduit pour elle. Elle est capable de se battre aussi bien que nous.
— Elle ne peut pas accepter de défi. Elle est humaine.
— Après ta mort, nous ferons d’elle l’une de nous.
— Raina nous a interdit de changer Anita en lukoi, intervint Heidi.
Le regard dont Sebastian la foudroya la fit frémir et reculer contre le rideau. Ses yeux étaient écarquillés de frayeur.
— C’est vrai ? demanda Richard.
— C’est vrai, grogna Sebastian. Nous pouvons la tuer, mais pas la transformer. (Il découvrit ses dents en un rictus cruel.) Aussi nous contenterons-nous de la tuer.
Je dégainai mon Firestar, utilisant le corps de Richard pour dissimuler mon geste aux lycanthropes. Nous étions dans la merde. Même avec l’Uzi, je ne pourrais pas tous les descendre. Si Richard tuait Sebastian, nous aurions une chance de reprendre le contrôle de la situation, mais je savais qu’il ferait tout son possible pour ne pas en arriver là. Les autres métamorphes nous observaient de leurs yeux patients et avides. Tout se passait comme ils l’avaient prévu. Mais il devait bien y avoir une porte de sortie pour nous.
J’eus une idée.
— Tous les exécuteurs de Marcus sont-ils des enfoirés ?
Sebastian se tourna vers moi.
— C’était une insulte ?
— Si vous êtes obligé de le demander... Oui, c’en était une.
— Anita, dit Richard à voix basse, qu’est-ce que tu fiches ?
— Je me défends.
Ses yeux s’écarquillèrent, mais restèrent rivés sur le grand loup-garou. Il comprenait. Et il n’avait pas le temps de discuter avec moi.
Sebastian fit un pas en avant, les poings serrés, tentant de contourner Richard pour m’atteindre. Richard s’interposa entre nous. Il tendit une main, paume vers l’extérieur comme il l’avait fait avec Heidi, et l’énergie bouillonnante de Sebastian se dispersa, se déversant de lui comme l’eau d’une tasse cassée. Je n’avais jamais rien vu de semblable. Calmer Heidi, c’était une chose. Forcer un lycanthrope à ravaler un pouvoir aussi féroce, c’en était une autre.
Sebastian recula en titubant presque.
— Sale bâtard.
— Tu n’es pas assez fort pour me défier, Sebastian. Ne l’oublie jamais.
La voix de Richard était toujours aussi calme, avec juste une pointe de colère sous-jacente. C’était la voix de la raison, la voix de la négociation.
Je me tenais derrière lui, le bras ballant et le Firestar plaqué contre ma cuisse pour que personne ne le remarque. Le combat était annulé. Mon petit numéro de bravoure n’avait servi à rien, en fin de compte. J’avais sous-estimé le pouvoir de Richard. Je m’excuserais plus tard.
— Maintenant, où est Stephen ? demanda Richard.
Un Noir très mince s’approcha de nous, se mouvant tel un danseur dans le sillage scintillant de sa propre énergie. Il portait ses cheveux mi-longs en tresses africaines ornées de perles multicolores. Ses traits étaient fins et précis, sa peau d’un brun chocolaté.
— Tu pourrais peut-être nous contrôler un par un, Richard, mais pas tous à la fois.
— Tu t’es fait éjecter de ta meute précédente pour avoir foutu la merde, Jamil, répliqua Richard. Ne commets pas la même erreur deux fois.
— Pas de danger. Marcus gagnera cette putain de bataille parce que tu as le cœur trop tendre. Tu n’as toujours pas compris, Richard. Nous ne sommes pas les Jeunes Républicains. (Jamil s’arrêta à trois mètres de lui.) Nous sommes une meute de loups-garous, et nous ne sommes pas humains. Si tu refuses de l’accepter, tu mourras.
Sebastian recula pour se placer à côté de lui. Les autres lycanthropes se massèrent derrière eux. Leur énergie combinée flotta vers nous, emplissant la pièce comme une rivière tiède et grouillante de piranhas et mordant ma peau comme un millier de minuscules chocs électriques. Elle monta dans ma gorge jusqu’à ce que j’aie du mal à respirer, et que mes cheveux se mettent au garde-à-vous dans ma nuque.
— Ça t’ennuierait vraiment si j’en tuais quelques-uns ? demandai-je d’une voix dure et étranglée.
Je voulus me rapprocher de Richard, mais ne le pus pas. Son pouvoir se déversait sur moi comme quelque chose de vivant. Il était très impressionnant, mais il y avait une vingtaine de lycanthropes en face, et il n’était pas impressionnant à ce point.
Un hurlement déchira le silence. Je sursautai.
— Anita, dit Richard.
— Oui ?
— Va chercher Stephen.
— C’est lui qui a crié ?
— Va le chercher.
Je fixai la masse des lycanthropes.
— Tu pourras te débrouiller seul ?
— J’arriverai à les contenir.
— Tu n’arriveras pas à tous nous contenir, contra Jamil.
— Si, affirma calmement Richard.
Le hurlement se fit de nouveau entendre, plus aigu, plus pressant. Il venait du fond de la grange, qui avait été divisée en plusieurs pièces. Au milieu, je distinguai un couloir improvisé. J’hésitai.
— Tu m’en voudras si je tue des gens ?
— Fais ce que tu as à faire, répondit Richard.
Sa voix était devenue très basse, avec un soupçon de grognement.
— Si elle tue Raina avec un flingue, elle ne sera toujours pas ta lupa, déclara Jamil.
Je gardai les yeux rivés sur la nuque de Richard. Jusque-là, je n’avais pas su que j’étais en lice pour le poste.
— Vas-y, Anita. Maintenant, gronda-t-il.
Il n’eut pas besoin d’ajouter : « Dépêche-toi. » J’étais consciente du fait que le temps pressait. Il réussirait peut-être à repousser le moment de la confrontation, mais seul contre tous, il n’aurait aucune chance.
Heidi se dirigea vers moi dans le dos de Richard. Il ne tourna même pas la tête vers elle : de toute évidence, il ne la considérait pas comme un danger. Elle n’était pas très puissante, mais nul besoin d’être puissant pour frapper quelqu’un dans le dos, que ce soit avec un couteau ou avec des griffes.
Je braquai mon flingue sur elle. Elle passa à quelques centimètres de Richard, et il ne réagit pas. Seul mon Firestar protégeait ses arrières. Malgré les circonstances, il faisait confiance à Heidi. Il n’aurait pas dû faire confiance à quiconque, moi exceptée.
— Gabriel est avec Raina, annonça Heidi.
Elle avait prononcé son nom comme si elle avait peur de lui.
Gabriel n’était même pas membre de la meute. C’est un léopard-garou, et néanmoins un des acteurs favoris de Raina. Il était déjà apparu dans plusieurs de ses films pornos, dont un snuff. Je faillis demander à Heidi qui elle craignait le plus, de Gabriel ou de Raina. Mais ça n’avait pas d’importance : j’étais sur le point de les affronter tous les deux.
— Merci pour l’avertissement, dis-je à Heidi.
Elle hocha la tête.
Je me dirigeai vers le couloir et la source des hurlements.